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| samedi 17 juin 2023A Tourtour, pour une partie perdue 13 à 0,
embrasse-t-on encore "la Fanny" ??....
Les parties de pétanque (et parfois "de longue") à Tourtour sont une tradition séculaire : même si les participants sont moins nombreux que dans les années 50, les tourtourains et leurs amis aiment vraiment participer à ces moments de rigolades, d’engueulades, d’exploits ou de désillusions... Parmi les pratiques rituelles de la pétanque, il en est une qui subit des hauts et des bas... la FANNY !!...
Embrasser Fanny, c’est perdre une partie de boules (jeu provençal ou pétanque) sur le score de 13 à 0. Le perdant ou l’équipe perdante se devait alors d’embrasser le postérieur dénudé d’une Fanny factice. Les expressions Faire fanny, Baiser Fanny, Être fanny ou Se prendre une fanny sont équivalentes.
Naissance de la tradition de la Fanny :
À l’origine, les perdants devaient embrasser les fesses d’une femme postiche nommée Fanny, représentée sous forme de tableau, de poterie ou de sculpture. Aujourd’hui elle se rencontre plus chez les antiquaires et les brocanteurs qu’au bistro du coin. Mais tous les clubs boulistes en conservent une à leur siège et cette icône fait partie de leur patrimoine. A Tourtour, c’est évidemment dans le local l’Union (devenu local associatif des Bélugues) que l’on trouvera quatre sculptures de la traditionnelle Fanny...(mais est-ce pour autant qu’au "village dans le ciel" on sacrifie encore à la tradition du baiser sur le postérieur ?)...
Jadis, c’était à la fois une récompense et une honte pour l’équipe perdante mais toujours une franche rigolade pour les spectateurs. "Embrasser Fanny, c’est l’image effrayante de la défaite, la preuve horrible qu’on a été battu. Et pas seulement battu, mais vaincu lamentablement, l’humiliation totale : perdre par 13 à 0 ! ".
Quelle origine géographique de la Fanny ?
Une tradition récente voudrait lui trouver une origine en Dauphiné où une Fanny aurait été serveuse dans un café de Grand-Lemps, peu avant la Première Guerre mondiale. Ce fut le maire du village qui inaugura cette pratique. Mais des cartes postales précédant cette période montrent déjà Fanny et son postèrieur offert. Certains la voient d’origine lyonnaise puisque la petite histoire du quartier de la Croix-Rousse dit que, dès 1870, les joueurs du Clos Jouve avaient comme spectatrice une jeune fille de 20 ans au grand cœur. Elle consolait le joueur malheureux en lui montrant ses fesses. Mais, jeunette, elle n’acceptait pas le baiser.
Le rituel de la Fanny : et de nos jours ?...
Pour pallier le manque cruel de Fanny de comptoir acceptant de se retrousser en public, fut mise en service, dans tous les lieux où l’on jouait au jeu provençal ou à la pétanque, une Fanny postiche aux fesses rebondies.
.. 11 à 0 !!.. certains concours prévoyoient parfois des parties en 11...
Conservée avec ferveur, véritable relique païenne, toujours cachée dans une petite armoire, derrière un panneau ou un rideau, elle n’était dévoilée que pour un retentissant 13 à 0. Alors, le malheureux vaincu, à genoux comme s’il allait à confesse, en présence de tous, s’approchait de l’autel pour baiser l’icône. Faire passer le postérieur de Fanny à la postérité fut aussi une façon radicale de braver la morale bourgeoise chrétienne qui jetait l’opprobre sur les fesses dénudées.
Dans son œuvre Le Temps des amours, Marcel Pagnol décrit une cérémonie de la Fanny à laquelle il a assisté. Lors du Concours de Boule du Cercle annuel, une équipe a perdu sans marquer aucun point contre l’équipe adverse menée par le redoutable Pessuguet :
« Les vaincus avaient remis leurs vestons ; leurs boules étaient déjà serrées dans les sacs ou les muselières et plusieurs se querellaient, en se rejetant la responsabilité de la défaite. […] Puis, dans un grand silence, […] la voix de Pessuguet s’éleva :
— Et la cérémonie ?
Alors les jeunes se mirent à crier en chœur :
— La Fanny ! La Fanny !
— C’est la tradition, dit le journaliste. Il me semble que nous devons la respecter !
À ces mots, deux jeunes gens entrèrent en courant dans la salle du Cercle et en rapportèrent, au milieu de l’allégresse générale, un tableau d’un mètre carré, qu’ils tenaient chacun par un bout. Les trois perdants s’avancèrent, avec des rires confus, tandis que la foule applaudissait. Je m’étais glissé jusqu’au premier rang et je vis avec stupeur que ce tableau représentait un derrière ! Rien d’autre. Ni jambes, ni dos, ni mains. Rien qu’un gros derrière anonyme, un vrai derrière pour s’asseoir, que le peintre avait cru embellir d’un rose qui me parut artificiel. Des voix dans la foule crièrent :
— À genoux !
Docilement, les trois vaincus s’agenouillèrent. Deux faisaient toujours semblant de rire aux éclats, mais le troisième, tout pâle, ne disait rien et baissait la tête. Alors les deux jeunes gens approchèrent le tableau du visage du chef de l’équipe et celui-ci, modestement, déposa un timide baiser sur ces fesses rebondies. Puis il fit un grand éclat de rire, mais je vis bien que ce n’était pas de bon cœur. Le plus jeune, à côté de lui, baissait la tête et le muscle de sa mâchoire faisait une grosse bosse au bas de sa joue. Moi, je mourais de honte pour eux… Cependant, quelques-uns les applaudirent, comme pour les féliciter de la tradition et M. Vincent les invita à boire un verre : mais le chef refusa d’un signe de tête et ils s’éloignèrent sans mot dire. »
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Et de nos jours, à Tourtour ??.... Bien sûr, plusieurs tourtourains (que l’on qualifiera de "bons vivants" !) seraient sans doute prêts à sacrifier à la tradition du "baiser à Fanny" mais notre époque est-elle encore assez tolérante pour accepter ce rituel qui est (qui serait) une atteinte à la dignité des nos chères femmes ou jeunes filles..??. Ne pourrait-on pas imaginer qu’un bouliste respectueux de la gente féminine puisse néanmoins baiser Fanny sans qu’il soit désigné comme un affreux macho ?!...
Notre Marlène Schiappa est passée par là ... Par contre, pourquoi ne pas lui écrire pour demander à cette élue nationale une dérogation pour le jeu de boules ?...