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| lundi 1er février 2010 | Mis à jour le jeudi 4 février 2010 L’acquisition du château en 1952
De nos jours, chaque tourtourain est vraiment fier de son château qui est l’hôtel de ville, la Mairie comme on dit : le bâtiment trône en plein village et son jardin bénéficie d’une vue panoramique assez rare dans la région . Le château communal est également occupé par le bureau de poste et par l’Office de Tourisme et il a, durant des décennies, servi également d’école .
Lors des voeux de 2010, notre maire actuel, Pierre Jugy, a informé les tourtourains que de gros travaux de restructuration du bâtiment vont être engagés avec des changements d’étages pour les services et que des aménagements sont à prévoir au 2ème étage après d’importantes réparations à effectuer (toiture, étanchéité, planchers, mise aux normes électriques..) : le château communal a son histoire, essayons de nous souvenir de l’époque où il est devenu "Mairie".
Le château n’a pas toujours été communal : l’achat du monument par la municipalité a été réalisé en 1952 et la procédure d’acquisition a provoqué de grosses polémiques dans le village (qui sont évidemment depuis, bien oubliées ).
Il est vrai qu’à cette époque appelée "l’après-guerre" les populations se comportaient avec mesure et économie : les français avaient connu la disette, l’exode, l’occupation, les rationnements, la pénurie durant la deuxième guerre mondiale et les mentalités n’avaient pas encore évolué vers la croissance chez tous . Dans l’inconscient collectif il fallait économiser et ne pas prendre trop de risques financiers : le château représentait donc un caprice pour certains opposants à cette dépense considérée comme superflue et peu urgente .
Malgré tout, des problèmes de sécurité se posaient pour les élèves de l’école qui n’avaient pas de cour de récréation et prenaient donc leurs temps de détente sur la place : bien sûr, la circulation automobile n’était guère embouteillée mais les charettes et les chevaux représentaient aussi de gros dangers . Le conseil municipal se réunit donc pour trouver une solution à ce problème .
L’école se trouvait à ce moment là dans la maison du coin ouest du jardin public où se trouve de nos jours le local "l’Union" et le magasin "le grain de folie", donc l’école touchait le jardin du château . Dans le même temps, la Mairie et la poste se trouvaient dans une maison de la place vers la rue des Chèvres (c’était donc la maison à côté de celle qui, aujourd’hui, est une agence immobilière, ouverte en été 2009 après ce qui avait été le restaurant " l’Amandier "). Autre précision : notre jardin public était, dans les années 50, le jardin potager du château et il était totalement occupé par les légumes et les fruits : de plus, pour séparer ce jardin de la place du village, un mur de pierres était édifié, de deux mètres de hauteur !
Le conseil municipal et son maire, Auguste Troin, n’avaient pas beaucoup de possibilités pour résoudre la question : la solution proposée consista à demander l’expropriation d’une partie du jardin du château afin de lui conférer le statut de cour de récréation. Tous les conseillers n’étaient pas d’accord avec cette hypothèse mais l’idée arriva aussi aux oreilles des propriétaires du château, deux docteurs niçois, Mr Bougeant et Mr Cossa : ceux-ci, préférant se mettre à l’abri d’une perte de patrimoine (et donc de valeur foncière) à cause de la prochaine expropriation, décidèrent très vite de mettre le château en vente .
Les élus ne tardèrent pas à passer à la deuxième étape, celle de la proposition d’achat du château pour en faire le bâtiment communal .
Qui siégeait au conseil ?
Le maire Auguste Troin, le premier-adjoint Albert Escarelle, et les conseillers, Mlle Marthe Basset et Mrs Joseph Olivéro, Eugène Giraud, Auguste Verdaine, Albert Meiffret, Louis Martin, Jules Rouvier, Louis Ferran et Henri Mandin : 11 élus.
Les discussions ne furent pas de tout repos et les négociations internes au conseil se tenaient dans des conditions pas toujours sereines. Malgré tout, il fallait se positionner et le conseil autorisa le maire et son adjoint à prendre les premiers contacts avec les propriétaires .
Les deux élus rencontrent donc les propriétaires mais la discussion tourna court car la somme demandée par les docteurs était de 5 millions de francs (ce qui correspondrait environ à 500 000 € actuels), un devis bien trop élevé pour les finances de la commune . Les vendeurs avaient mis la barre haute car ils se doutaient bien que la mairie serait prioritaire dans la vente et que l’éventualité d’une expropriation d’un morceau de jardin allait décourager d’autres acheteurs potentiels. Donc, autant taper fort au début et on verra ensuite !
Le conseil municipal fut à nouveau convoqué et le prix proposé fut déclaré exhorbitant par les conseillers . Pour la vente, une expertise par le service des Domaines était réclamée et le responsable dracénois vint à Tourtour pour établir une estimation de la valeur du château : le fonctionnaire fixa à 3,5 millions la somme que la mairie était en droit de demander sans que cela ne soit une somme dévalorisée. Merci Mr l’Inspecteur !
3,5 millions ça faisait beaucoup et la décision fut prise sans l’accord de 4 conseillers, farouchement opposés à l’achat car ils pensaient que les finances allaient tomber en faillite . Les recherches effectuées n’ont pas permis de retrouver la trace d’un article paru à l’époque dans la presse et qui s’intitulait "Alerte rouge sur les finances" .....
En tout cas, les 4 élus donnèrent leur démission le lendemain au Préfet du Var . Celui-ci, Mr Ottaviani, convoqua donc Mrs Troin et Escarelle à Draguignan (qui était encore la Préfecture à ce moment-là) pour les entretenir de la situation tourtouraine bien tendue. Devant la décision démocratique obtenue en conseil (7 pour, 4 contre), le préfet conseilla donc aux deux élus du village de poursuivre l’effort et de procéder à l’achat .
Albert Escarelle raconte dans une émission de France-Culture que Mr Ottaviani leur dit à cet instant : " et si certains ne comprennent pas ça à Tourtour, je monterai moi-même pour leur expliquer que, grâce à vous, on a supprimé une autre Bastille..! ". On peut noter au passage qu’à cette époque les préfets pouvaient se permettre d’énoncer des idées révolutionnaires : si le préfet actuel sort une telle phrase, il se retrouve la semaine suivante, dans un autre département et chef du service des cartes grises ....
Le conseil a voté l’achat du château et la répartition des sommes pour les 3,5 millions s’est effectuée de la façon suivante : vente des 2 maisons du village (anciennement la mairie et l’école) pour 1 million, don de Mr Boussard (vente de bois brûlé à la Baume) de 0,4 million, subventions départementales pour 1,2 million, une coupe de bois (au Grimaud) pour0,6 million, donc 3,2 millions . Il restait donc 0,3 million qui a fait l’objet d’un prêt sur deux ans (dont les intérêts ont été pris en charge gracieusement par Auguste Troin, le maire).
Afin que l’on se souvienne de cet épisode historique, ses enfants et ses petits-enfants ont fait poser une belle plaque de marbre au mur de la demeure d’Auguste Troin, juste avant le porche de la chapelle de la Trinité : l’ancien maire est nommé "cépoun", c’est à dire le vieux sage gardien des traditions et des valeurs de la communauté, et Saint-Denis sait à quel point Mr Troin méritait vraiment cet hommage.
Les travaux qui vont bientôt débuter à la Mairie n’auraient donc jamais pu avoir lieu si, en 1952, quelques élus n’avaient pas pris le risque d’acquérir le château pour en faire l’hôtel de ville, l’école et la poste : les finances se sont remises sur pied et le jardin est ensuite devenu espace public après "la chute du mur"...
Un détail :
Avant la restauration de la façade (au début des années 2000) voilà le château en état de "pierres apparentes" : il est maintenant crêpi avec une teinte jaune orangé clair. Hélas, l’humidité a déjà fait de gros dégâts (en particulier sur le côté qui donne sur la fontaine) et il semble que dans quelques années, la dépense soit à prévoir car l’esthétisme est de plus en plus dépassé par la moisissure .
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