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| mercredi 14 janvier 2009 | Mis à jour le dimanche 14 novembre 2010
Le moulin à huile de Tourtour
« C’était mieux avant ». L’antienne est connue. Donc forcément le moulin du XVIIIème siècle de Tourtour produit une huile d’olive magnifique. D’irréductibles oléiculteurs le pensent et ne voudraient, pour rien au monde, faire triturer leurs olives dans un moulin moderne. Ce qui est magnifique, en tout cas, c’est le moulin lui-même.
Au coeur du village il est le dernier témoin de l’âge d’or de la culture de l’olivier dans le Var (entre les années 1700 et 1900) . A l’époque, trois moulins à huile fonctionnaient à Tourtour. Tous, les uns derrière les autres, situés sur la chute d’eau du Rosaire, avant que celle-ci ne dévale sur Buerge.
A l’extérieur rien ne le distingue d’un quelconque autre bâtiment du village. Mais entrons ! Dès le seuil de la porte nous voilà enveloppés par une odeur aigre-douce de grignon*, d’huile et d’olive envoûtante. La grande salle est encombrée de caisses d’olives, de cuves et bonbonnes par dizaines. Sur la gauche une chaudière, sur la droite trois chapelles* dont une équipée d’une imposante presse à bras. Au fond une meule et ses engrenages de bois.
« Et comment cela fonctionne-t-il ? »
C’est assez simple : le moulin de Tourtour, comme la plus grande partie des moulins en France, travaille à façon – les producteurs apportent leurs olives et le moulin les transforme en huile contre paiement d’une taxe au kilo de fruits. La base c’est la tournée (la virado) de 20 doubles*, soit 240kg. Tous les moulins avec meules et presses fonctionnent encore avec ces quantités, mais la pression tend aujourd’hui à disparaître au profit de l’extraction. Toutes les quantités d’olive sont acceptées, et il n’est pas rare de voir entrer un « estranger » avec 5 ou 6kg - production de l’olivier ornemental – tout heureux de repartir avec son litre d’ « huile maison ».
Les 240 kg d’olives sont versés dans la pierre et la meule, actionnée par la grande roue à aubes de 6m de diamètre, va lentement les broyer et les transformer en pâte homogène. L’opération demande 3 bonnes heures.
Ensuite la pâte est répartie dans des scourtins* - une vingtaine – et ceux-ci sont placés en 2 piles sous la presse, manœuvrée par 2 hommes, bientôt relayés par un astucieux cabestan branché sur les engrenages de la meule. Mais malgré cela la pression exercée n’est pas assez puissante pour extraire la totalité de l’huile et une seconde pression avec adjonction d’eau chaude est nécessaire. L’huile et les margines* s’écoulent vers un bassin de décantation. L’huile plus légère que l’eau – 916gr au litre – est recueillie en surface à l’aide d’une feuille*. Le rendement, variable selon les variétés et les années, est d’environ 20%. Voilà, c’est fini l’huile est prête. Il ne reste plus qu’à la goûter avec une bonne roustide (la rostido) – pain grillé sur le poêle du moulin – ou d’ailleurs – frotté d’ail et largement arrosé de cette fameuse huile nouvelle. Rien que de l’écrire, j’en ai l’eau à la bouche – arrêtez, glandes salivaires !
Pour finir je dirai un mot des variétés d’oliviers cultivées traditionnellement à Tourtour :
Et à tout seigneur, tout honneur, le trop confidentiel verdale de Tourtour, un arbre à fort développement, robuste, très résistant au froid – avec des spécimens vieux de plusieurs centaines d’années, ce qui n’est pas le cas pour les autres variétés – peu sensible à la cochenille et donc à la fumagine. Des olives, elles aussi résistantes au froid, et peu sensibles à la mouche. Peu alternant. Une perle, quoi. Une variété endémique dont il ne reste que quelques dizaines d’exemplaires. Aller, je lance un appel : tourtourains d’ici et d’ailleurs, de souche et de cœur, plantez dans vos vergers, dans vos jardins le beau verdale de Tourtour.
Le bouteillan ou plant d’Aups, une variété largement cultivée dans le Var.
Le petit ribier. Grand arbre et petit fruit.
Le cayon ou entrecastelen, plant d’Entrecasteaux qui donne des olives très douces, excellentes à préparer noires en confiserie.
Le cayet roux ou figanieren, plant de Figanières.
Le cayet rouge, cultivé sur Ampus et Draguignan.
Le cayet blanc, olives excellentes à préparer en vert.Plus d’autres variétés dont les noms sont perdus, mais que l’on trouve encore dans les vieux vergers.
Comme on le voit, les plantations tourtouraines, à la différence des autres communes, étaient très hétérogènes. Peut-être un moyen de pallier l’alternance naturelle des différentes variétés d’oliviers.
Comme on le voit d’autre part chaque commune varoise possède sa variété ou presque. Témoignage du travail prodigieux – le mot n’est pas trop fort – des agronomes locaux du 18e siècle.
Petit lexique : ( * )
Grignon : partie solide de l’olive après broyage et pressage. Immangeable.
Chapelle : appareillage de pierre dans les murs porteurs qui soutient la presse.
Double : abréviation de double décalitre soit 20 litres d’olives, pesant quelle que soit la variété 12kg.
Scourtin : panier plat et rond en fibre naturelle – sisal.
Margine : jus foncé issu de la pression – eau de végétation – Pour mémoire une olive est composée grosso modo de 20% de pulpe (grignon) , de 20% d’huile et de 60% d’eau (margine). Imbuvable.
Feuille : pelle ronde légèrement incurvée au centre qui sert à cueillir l’huile à la surface de l’eau