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| mercredi 11 novembre 2009 L’impot sur le sel :
( la gabelle à Tourtour ).
A Tourtour, de nombreuses jarres sont encore là pour témoigner de la conservation des aliments dans le sel (olives, poisson, viande, charcuterie...) et certains villageois continuent à utiliser ces terres cuites pour les olives par exemple, ou les anchois (et la famille Tercero pour le jambon cru !).
Dans les cuisines on trouve encore de vieilles boîtes à sel :
De nos jours, les impôts et les taxes se résument à des sommes d’argent et à des comptes budgétaires mais autrefois le sel était une denrée précieuse et les habitants étaient taxés en équivalent-sel .
La gabelle est une taxe sur le sel ayant existé en France au Moyen Âge et à l’époque moderne. C’était alors l’une des aides ou taxe indirecte. Les gabelous se chargeaient de la récolte de la gabelle.
Le mot vient de l’italien gabella (« taxe »), lui-même venant peut-être du phénicien qabāla et de l’arabe "kabahla" (impôt).
Le principe général est le suivant : le sel fait l’objet d’un monopole royal. Il est entreposé dans des greniers à sel, où la population l’achète déjà taxé. La gabelle représente, à l’époque moderne, environ 6% des revenus royaux.
Le sel fut longtemps le seul moyen de conserver les aliments et était donc un élément stratégique. Avec le sel, on fabriquait des salaisons et l’on séchait poissons et viandes douces. Il était également un composant nutritif indispensable pour le bétail. Enfin, il fut sous l’Ancien Régime utilisé comme monnaie d’échange et il possédait même une fonction de salaire, dont on retrouve le sens étymologique dans salarium en latin qui signifiait « ration de sel » puis, par extension, la pratique du traitement, du salaire à l’époque romaine.
D’origine romaine, il avait été repris dès le XIIe siècle ou le XIIIe siècle par la royauté, qui s’était empressée d’accaparer à son profit le monopole et la vente de cette denrée. Déjà instituée comme une taxe temporaire par Saint Louis en 1246, puis reprise par Philippe IV le Bel en 1286, la gabelle devient une taxe permanente sous Philippe VI de Valois qui la généralise dans tout le royaume.
Au XIVe siècle les plaintes commencent, elles ne cesseront plus. « En ce mois de mars 1343, dit le continuateur de Nangis, notre roy Philippe mit sur le sel une exaction dite gabelle, d’où il acquit la male grâce du peuple ». A la même époque (1342), sont créés les Greniers à sel, tribunaux chargés de juger toutes les contraventions relatives à la Gabelle et dont les appels, plus tard, durent être portés devant la Cour des Aides. En 1343, par ordonnance du roi, le sel devient un monopole d’État. Taxe modeste d’abord, de 2 deniers par minot ; sous Charles V, elle est déjà de 8 sous et l’impôt, malgré de solennelles promesses, devient permanent.
La gabelle est abolie par l’Assemblée nationale constituante le 1er décembre 1790, c’est Prieur de la Marne qui présente le rapport de suppression. Mais l’impôt sur le sel réapparut néanmoins en 1806, sous Napoléon Ier, et il ne fut supprimé définitivement qu’au début du XXème siècle.
Au début du XVIIIe siècle, on compte 253 greniers dans l’ensemble des régions de grande gabelle dont 110 le long de la Loire.
En 1661, Colbert, surintendant des Finances, dans son " Traité Général pour les Traites " réorganise le système de perception des impôts indirects. Il crée alors quatre groupes de Provinces :
Dans ces 2 pays, la consommation de sel était strictement mesurée afin d’en rendre plus difficile le transport.
Les pays de petite Gabelle sont : Le Lyonnais, Beaujolais, Mâconnais, La Bresse, Languedoc, Provence, Roussillon, Le Velay, Le Forez, les élections de Rodez et Millau, la généralité de Montauban et une partie de la généralité de Riom.
Les pays de grande Gabelle : Ile de France, Orléanais, Berry, Bourbonnais, Nivernais, Bourgogne, Champagne, Picardie, Normandie, Maine, Anjou et Touraine.
Dans ces 2 derniers pays, d’une part le sel est fortement taxé, d’autre part la consommation d’une quantité minimum y était obligatoire (un minot -tonneau- pour 14 personnes au dessus de 8 ans).
Il existait aussi des pays exempts où le commerce du sel était en vente libre : Artois, Flandre, Hainaut, Bretagne, et une partie de l’Aunis et de la Saintonge.
Cet impôt, lourd et impopulaire, encourageait les fraudes. Leurs auteurs (faux-sauniers) étaient sévèrement punis, principalement à des peines de galère.
Une tricherie classique, le tabouret à sel : lorsque les gabelous passaient dans les maisons pour prélever l’impôt, ils fouillaient les meubles quand le paysan était réticent . Il leur était interdit de fouiller les tabourets ou les chaises à sel quand une personne âgée (environ 70 ans de l’époque) était assise : les mémés se déplaçaient donc dans plusieurs familles pour éviter que les gabelous ne fouillent .
Comme pour beaucoup de taxes et impôts royaux, la gabelle est très souvent « affermée », c’est-à-dire confiée à des intermédiaires (les fermiers) qui avancent son produit au roi, à charge pour eux de recouvrer les sommes dues par la population.
Affermé depuis 1578, Colbert confie le recouvrement de l’impôt sur le sel à une compagnie de traitants : La Ferme ou Gabelle, souvent aussi intitulé Ferme du Roi. Il crée un seul et unique établissement financier en remplaçant les greniers à sel. Dans chaque province, des Fermiers généraux, dirigeant des employés contrôleurs : les gabelous administrent leur circonscription. La Ferme paie au Roi une somme fixe et se rembourse ensuite sur les sujets comme bon lui semble. Pour tirer le maximum de profit, la ferme multiplie les visites domiciliaires et utilise tous les procédés vexatoires. Dans les pays de « grande gabelle », le contribuable n’est pas libre d’acheter la quantité de sel qui lui convient : la ferme fixe ce qui doit lui être achetée.
Cette quantité minimale s’appelle le « Sel de devoir pour le pot et la salière ». Les officiers et les établissements charitables jouissent du droit de « franc salé » et achètent le sel sans taxe. Ils peuvent même recevoir la valeur en argent du sel qu’ils ne veulent pas utiliser.
La gabelle n’étant pas une taxe considérée comme équitable, la contrebande s’organisa pour détourner le processus légal . Les faux-sauniers passaient les frontières des régions, partaient dans un pays de petite gabelle ou non imposés sur le sel, ils achetaient de belles quantités et revenaient le vendre dans leur région : cette contrebande fut sévèrement combattue et les contrevenants étaient immédiatement déportés ou mis aux galères.
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