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| mardi 9 décembre 2008 | Mis à jour le samedi 5 février 2011Le Félibrige .
Tourtour chante la "Coupo Santo", l’hymne provençal, lors de certaines festivités, par exemple la fête du village ou l’aïoli monstre du mois d’août. La langue provençale a été mise en forme par un groupe de passionnés de cette richesse langagière : Roumanille fut le pionnier et Mistral fut ensuite le concepteur idéologique de ce groupe .
Essayons d’en savoir un peu plus sur ces célèbres félibres et sur leur aventure.
Le Félibrige est une association littéraire fondée le 21 mai 1854 par sept jeunes amis provençaux au château de Font-Ségugne. Le but de cette association était très bien défini dès le début : créer une association d’esprits choisis et sérieux qui ont la volonté et les compétences pour restaurer la langue et la littérature provençale, loin des troubaires faciles et grossiers. Afin de se démarquer du reste des poètes provençaux qu’ils jugeaient banals et vulgaires, les sept amis choisirent un nom original, et personnel : le Félibrige. Ce nom vient d’une vieille chanson : l’Oraison de St Anselme, apportée à la réunion par Frédéric Mistral, dont le texte décrit : "...avec les docteurs de la Loi, avec les sept Félibres de la loi" (Eme li set felibre de la lèi). Etant donné qu’ils étaient eux-mêmes au nombre de sept, et qu’ils désiraient incarner la loi nouvelle de poésie, ils étaient les docteurs de la loi : les félibres. |
C’est au château de Font-Ségugne,
que le Félibrige fut fondé. Il y avait tout d’abord Joseph Roumanille, véritable "Père" du Félibrige et compère de Frédéric Mistral, qui sera un des membres les plus actifs. Théodore Aubanel sera avec les deux premiers cités, un des trois piliers du Félibrige. A ces trois-là, il convient d’ajouter Anselme Mathieu, compagnon de poésie de Mistral depuis le collège. Jean Brunet faisait aussi parti de ces félibres, ainsi que Paul Giera et Alphonse Tavan.
Même si la date officielle de la création du Félibrige est le 21 mai 1854, certains félibres n’avaient pas attendu pour commencer à œuvrer dans le but d’une reconnaissance de la langue provençale. Dans ce rôle de "regroupeur", c’est Joseph Roumanille qui se montrera le plus actif. Mais pour cela, il suivit attentivement deux exemples : ceux de Brizieux, poète celtique militant pour sa Bretagne (en langue française uniquement), et surtout Jasmin, qui lui s’exprimait en gascon.
A partir de 1850, Roumanille, qui avait jusqu’alors participé à des tentatives de groupements divers et souvent de mauvaises qualités finales, dues en grande partie à la faiblesse des autres auteurs concernés, se lance dans un regroupement des poètes provençaux dans le souci de relever et d’épurer la langue provençale. Il parvient à publier en 1852 Li Prouvençalo recueil collectif, dans lequel les principes littéraires futurs de la nouvelle poésie provençale apparaissent. Dans ce recueil, on trouve tous les auteurs de langue d’oc, mais ceux qui ressortent du lot, seront les futurs félibres, avec notamment Roumanille, Aubanel et un certain Mistral, que l’on désignait déjà comme le poète de base de la future poésie provençale. Ce recueil eut un véritable succès même si cette nouvelle orthographe déplut à certains collaborateurs. Cependant, Roumanille se rendit compte qu’il fallait uniformiser certains points de grammaire et d’orthographe. Roumanille réunit tous les poètes provençaux en Arles, le 29 août 1852. Cette assemblée, alors appelée Roumavàgi, donna satisfaction et il fut décidé de se revoir l’année suivante. C’est en 1853 que la donne changea : Mistral, Aubanel, Roumanille dirent des vers en provençaux, mais c’est surtout un jeune paysan qui se fit remarquer : Alphonse Tavan, futur félibre. Au cours de cette seconde Roumavàgi, on se rendit compte qu’aucun accord ne pourrait être trouvé sur l’orthographe entre Marseillais et Avignonnais, les Marseillais désirant trop vouloir tout contrôler. Chacun rentra alors chez soi, se jurant de ne plus revenir à cette assemblée ! Roumanille et ses compagnons Avignonnais comprirent alors qu’ils devraient travailler à part, à l’écart du reste des poètes provençaux, et surtout des marseillais. Après plusieurs réunions, au domicile des Giera puis dans la résidence d’été à Font-Ségugne, les compagnons décidèrent de fonder une association nouvelle, avec une poésie provençale nouvelle. Cela sera la naissance du Félibrige, 21 mai 1854.
Le Félibrige se fixa alors ses objectifs : restaurer la langue provençale en lui donnant une orthographe et une grammaire, perdues par les longs siècles d’abandon. Les félibres comprirent rapidement que pour atteindre leur but, il ne suffirait pas de produire une langue épurée, de magnifiques poèmes, mais qu’il fallait aussi s’adresser directement au peuple auquel il fallait ré inculquer les valeurs de la langue provençale. Les félibres rédigèrent un outil de propagande, à but non lucratif, sur une idée de Roumanille : l’Armana prouvençau. Cet almanach, entièrement rédigé en provençal, énonçait les prochaines manifestations, les fêtes, mais aussi et surtout contenait l’histoire de la Provence, afin d’instruire tous les provençaux de leur passé et de les initier à la littérature provençale.
Le premier almanach fut imprimé en 1855, en 500 exemplaires. Durant les premières années de l’Armana, aucun félibre ne signa de son nom, mais sous des pseudonymes : Mistral était le félibre de Bello-Visto (du nom d’une ferme dont il était propriétaire), Roumanille était le félibre di Jardin (son père étant jardinier à St Rémy), Aubanel était le félibre de la Miougrano, Jean Brunet celui de l’Arc-de-sedo (arc en ciel, par allusion à son métier de peintre), Paul Giéra le félibre ajougui (enjoué), Alphonse Tavan le félibre de l’Armado (il fit la campagne de Rome). Pendant cinquante années, Roumanille et Mistral s’attachèrent à cet Armana. Ils y fixèrent là les fondements de la nouvelle orthographe provençale : car avant eux, l’orthographe provençal avait toujours été plongé dans un chaos total, même les troubaires marseillais n’avaient jamais réussi à trouver un accord. Roumanille et Mistral rejetèrent donc cette orthographe étymologique pour adopter une orthographe phonétique. Ainsi, toutes les lettres ne se prononçant pas se virent évincées. Ils adoptèrent aussi un système d’accentuation, l’accent tonique pour marquer la prononciation des diphtongues . Ce système, séduisant par sa clarté et sa simplicité, fut très vite adopté par tous les amis des félibres. Quelques impénitents montraient quand même une grande réticence à utiliser cette nouvelle orthographe. Cet Armana servit dans un premier temps, à faire connaître la nouvelle orientation de la poésie provençale, puis pour annoncer les œuvres des félibres. Depuis la première parution en 1855, l’Armana Provençau connaît un fort succès.
Ecrite par Frédéric Mistral, la Coupo (la coupo santo) est aujourd’hui l’hymne du Félibrige mais aussi de toute la Provence Mistralienne. Le Félibrige adopta aussi un emblème, et ce dès 1854, l’étoile emblématique à sept rayons. Dans un article du présent site (rubrique Traditions locales puis chapitre Chansons provençales, vous pourrez retrouver le texte complet de cette chanson).
Frédéric Mistral lui-même raconta comment cette étoile devint le symbole des Félibres : "Le première félibrée officielle eut lieu à Font-Ségugne le 21 mai 1854 ; nous cherchions quel emblème nous pourrions nous donner, lorsqu’un de nous, regardant le calendrier, vit que ce jour-là était celui de la fête de Sainte-Estelle. C’est ainsi que Ste Estelle est devenue notre patronne, et comme estello en provençal, signifie étoile, c’est de là que nous avons tiré l’étoile symbolique qui préside aux destinées du Félibrige."
Aujourd’hui encore, le Félibrige continue l’action des 7 premiers félibres, se réunissant notamment chaque année, à la Ste Estelle, dans une ville différente.
Grâce au dévouement et à l’implication intellectuelle des félibres, la langue provençale réussit à devenir un langage reconnu et durable. Merci Messieurs, c’est aussi et surtout grâce à vous que l’on se régale d’entendre Doudou et Robert parler votre langue sur le banc du porche...