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| mercredi 17 juin 2009 Le Tourtourisme .
On va faire un petit préambule afin de dissiper certaines ambiguités : cet article est une question à laquelle je ne réponds pas car je n’ai ni l’explication rationnelle ni la moindre hypothèse. Je me pose la question et je l’écris : il ne s’agit donc pas de critiquer le système qui existe mais d’essayer d’en comprendre les divers rouages, d’en aborder les aspects positifs sans nier les côtés plus négatifs.
Le tourisme dans notre région est une réalité économique depuis environ un siècle : bien sûr, les stations balnéaires de la Côte d’Azur (St Raphaël, Ste Maxime....) ont été les premières concernées et durant des décennies elles ont été les seules destinations des touristes étrangers puis nationaux (avec l’afflux des estivants nés de la loi sur les congés payés en 1936).
Au fil des lustres, la notion de "vacances" a évolué en fonction des durées de congés, des ressources financières, des capacités d’accueil, des investissements immobiliers. Petit à petit, les vacanciers ont commencé à découvrir que la mer n’était pas obligatoirement le lieu idéal de villégiature estivale. Dans le même temps, les congés accordés augmentaient sensiblement en journées et les familles prenaient souvent des vacances échelonnées sur l’année (avec en particulier les vacances à la neige). En parallèle, le tourisme à l’étranger a connu un essor prodigieux et notre région a connu un très gros afflux d’anglais, hollandais, suisses, britanniques, suédois....
Dans les années 50-60, les petits villages varois ne brillaient pas par leur dynamisme économique : les élevages périclitaient, les exploitations agricoles vivotaient, les commerces s’essoufflaient . Les réalités touristiques sont arrivées comme une manne divine, une éclaircie pour l’avenir des familles et leurs descendants : les paysans varois voyaient une lueur d’espoir pour leurs villages qui agonisaient. Les terrains se vendaient, les cabanons étaient restaurés pour devenir de belles résidences secondaires et l’on voyait la population augmenter fortement en été.
A Tourtour, la création du lotissement de Saint-Pierre a fait basculer le village dans une autre dimension économique. Le pari de Mr de Beaumont était risqué mais son tempérament de bâtisseur visionnaire a permis la réussite de ce projet qui a bouleversé la vie de notre village.
Environ 300 maisons (de type mas ou bastide), de bonne qualité, dans un cadre typiquement provençal, cela procure des emplois durant des années : artisans maçons, plâtriers, menuisiers, peintres, électriciens, plombiers.... Ces résidences le plus souvent secondaires doivent être gardées ou entretenues ce qui donne du boulot à des paysagistes et pépiniéristes. Ces nouvelles données placent alors Tourtour dans une nouvelle forme de vie économique liée directement au tourisme.
La communication médiatique autour de ce lotissement rural a été parfaitement réussie : la publicité de notre village a dépassé les frontières régionales et la commune a acquis une bonne renommée. Le classement de Tourtour dans la catégorie des "100 plus beaux villages de France" a donné une image de marque de village historique, typiquement provençal et pittoresquement préservé. La spirale continue : des galeries, des restaurants, des efforts de fleurissement et le tourtourisme se met en place. Création de l’Office de Tourisme, investissements : le village de Tourtour doit tenir sa position de "village dans le ciel" . Les Bâtiments de France et les Monuments historiques imposent des règles précises de préservation du patrimoine (couleurs des façades, type de crépi, ouvertures bois...) afin de satisfaire aux critères d’obtention des labels touristiques.
Les emplois se stabilisent, la Mairie recrute, l’école ouvre une autre classe : la municipalité conduite par Jean Lainé (on va encore dire que je cire les pompes) a profité en partie de ces rentrées financières pour réaliser de nombreux équipements (ou les restaurer). Le commerce est évidemment le premier secteur économique qui a recueilli les fruits de l’expansion du village : les bars, hôtels, restaurants, épicerie, boulangerie, crèperie, galeries ont connu de belles périodes de croissance. On peut malgré tout regretter que certains aient un peu trop profité de ces conditions favorables pour pratiquer des tarifs légèrement (euphémisme) exagérés : il est vrai que la famille de passage peut se faire estamper puisqu’elle ne reviendra pas et que l’on peut donc forcer la dose et surtout la note sans risque de dommages collatéraux. Cette pratique de surenchère des prix dans la restauration tourtouraine conduit immanquablement à ne jamais voir le tourtourain lamda attablé sur une terrasse de restaurant de la place (sauf bien sûr, ceux qui le passent en frais professionnels..). C’est une démarche commerciale qui perdure et il n’est pas certain que la "crise" apporte des comportements différents, de même que les effets de la baisse de la TVA risquent de ne pas être très sensibles sur notre village .
Qui peut affirmer que cette quête effrénée vers la perte d’âme ne va pas se retourner contre le village ? Etre classé parmi les 100 plus beaux villages de France implique des contraintes esthétiques et patrimoniales qui doivent être scupuleusement respectées . Qui pourra se satisfaire longtemps d’une magnifique place provençale dénaturée par d’énormes vasques fleuries bâties en ciment alors que notre village compte des millions de belles pierres en tuf ? Qui peut dire aujourd’hui le véritable intérêt d’appâter les touristes nippons par un espace Buffet (où ne seront exposées que quelques oeuvres du peintre) si ce n’est l’opportunité mercantile ? Il sera facile de justifier le projet par des contingences uniquement artistiques mais il sera encore plus aisé d’en discuter au bout de quelques années et d’en faire le bilan.
C’est à ce moment-là que la question du tourtourisme peut se poser : pourquoi continuer sans cesse la course en avant du village "tendance" avec l’impérieuse nécessité de coller aux besoins supposés des touristes.
Un petit exemple simple et révélateur : les panneaux publicitaires. En faisant la moyenne (en fonction du nombre de m2 ) notre village compte sans doute plus de panneaux que la zone commerciale de Puget-sur-Argens, juste avant l’entrée de Fréjus. La preuve, une commission bipartite, municipalité-commerçants, doit étudier ce problème et trouver une solution raisonnable et équitable.
Ce que recherchent les visiteurs chez nous c’est un vrai village provençal, riche de son histoire, de ses traditions, de sa culture et de son patrimoine. Les respecter c’est leur offrir ce qui fait notre authenticité, notre âme, nos entrailles et non pas la vision d’un univers surfait qui suit la mode bling-bling. Les tourtourains ont le droit aussi de ne pas être commerçants ou artisans et vouloir parfois profiter du calme dans le haut pays varois : ils ont le droit aussi de pouvoir marcher en sécurité sur la place (hormis les 2 mois d’été car piétonne) sans être bloqués par une terrasse à aggrandissement exponnentiel.
Revenons au tout début de l’article . La question du tourtourisme (ou du Tourtour tout tourisme) semble se poser mais tant mieux si elle ne pose pas ou si elle est mal posée : il n’y aura que le temps qui nous apportera une réponse.
Les virages dangereux ne sont corrigés qu’après un accident très grave : c’est trop tard mais ça peut au moins se réparer. D’autres dérives dangereuses ne pourront pas aussi facilement se rattrapper avec du goudron chaud ...