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| mercredi 24 novembre 2010Le broussin (lou broussïn).
Lors des Journées du Patrimoine de septembre 2010, un petit plat-terrine était présenté aux visiteurs dans l’exposition sur les objets traditionnels locaux : il est donc peut-être utile que notre site donne quelques petits détails sur ce plat et sur ce fromage.(ça changera des sempiternelles vannes poussives sur notre chère première adjointe...!).
Revenons au broussin :
(le son "ïn" du mot broussïn (en provençal) doit être prononcé comme pour le mot parking ) .
Sur nos marchés du mercredi et du samedi, le stand de la "Cabrette" nous propose du broussin depuis quelque temps et ce sera pour beaucoup une bonne occasion de commencer à en faire à la maison après avoir goûté celui d’Anne . Ma curiosité (que d’aucuns qualifient gentilment de malsaine) m’a conduit pulsionnellement à demander la "recette cabrette" et bien sûr, notre si gentille miss cabrette n’a pas hésité une seconde . Son broussin, elle veut lui garder une certaine marque de fabrique, elle souhaite lui apposer un label "le broussin de cabre" : autrement dit, elle ne mélange que des fromages de chèvre (des frais, des mous, des durs, des vieux, des tendres, des fatigués, des décrépis, des délabrés, des estropiés, des rugueux... mais tous de chèvre, cabrette oblige... Elle met les plus rocailleux à tremper avec un peu d’eau de vie (elle mélange selon les humeurs ou les saisons et c’est donc de la poire ou une autre fois de la mirabelle ou bien du marc) et elle malaxe ensuite avec une grosse fourchette à barbecue ! Mais dans le couple cabrette, il n’y a pas que madame !! Et Monsieur, notre brave Marc, c’est le nez et la bouche : le broussin, il le sent et et il donne un premier avis (trop frais, trop mûr, pas assez vieux ...) puis il le goûte juste après son bol de café ! Et là, devant Anne qui tremblotte, la sentence est sans appel, le jugement définitif : cela va alors du "très bien, on le met samedi..." à un autre " oh la la, celui-là, il est trop jeune, il manque de coffre,...faut encore le garder !". Et à tous les deux, Anne et Marc, ils nous font un bon broussin qu’ils exposent sur le stand du samedi...
Ci-dessous, le plat exposé Salle Escarelle :
Au milieu du XIX° siècle, sur la petite commune de Châteaudouble, alors que les habitants étaient décimés par une terrible épidémie de peste ou de choléra, le bon docteur s’apprêtait à apporter un ultime réconfort à un patient au seuil de la mort.
Dans un souffle, ce dernier implora le praticien de le laisser manger un pot de vieux broussin. Le médecin acquiesça, ne voulant pas contrarier la dernière volonté du malade. Le surlendemain, le mourant qui continuait à « se gaver » de broussin, affichait un léger mieux. Quelques jours plus tard, il était sur pieds et définitivement tiré d’affaires.
Ce rétablissement fut qualifié de miraculeux, mais quelques décennies plus tard, le rapprochement entre cette guérison et le fromage devenait évident avec la découverte de la pénicilline.
Un détail : à Tourtour, il se raconte que Marc Lavergne, lui, tout de suite après son alerte cardiaque du printemps 2010, a demandé ...de la raclette ! (sans doute pour les fonds de tiroir..).
Un autre petit détail intergénérationnel : les jeunes couples ont tendance à manger le broussin plutôt à midi mais cela sans qu’une explication scientifique logique ait pu être avancée....
Le broussin sur du pain grillé :
A Tourtour, le broussin se mange surtout l’hiver (il est vrai que "ça réchauffe") et les habitants du village aiment bien faire griller, devant la cheminée, une belle tranche de pain de campagne ( les fameuses boules d’antan) : quand le pain est bien souple et bien chaud, on se fait une tartine et l’on déguste la tranche avec parfois des cébettes ou des olives noires.
Dans les villages du haut-Var , au tout début du vingtième siècle, presque chaque famille faisait son “broussin” et le plaçait dans une terrine ou une petite jarre , dans un endroit bien au frais. Le broussin se faisait autrefois uniquement avec du lait de brebis au départ de la recette , parfois un peu de lait de chèvre au bout de quelques jours. N’oublions pas que les familles varoises dans les campagnes avaient toujours quelques brebis et chèvres qu’ils élevaient aussi pour le fromage frais.
Frédéric MISTRAL définit ainsi le broussin :" fromage pétri et fermenté, fort usité dans les campagnes de Provence et connu jusqu’à l’extrême nord du pays d’Oc ".
Le broussin (broussïn) est l’appelletion la plus employée dans le Haut-Var mais d’autres noms sont employés dans d’autres coins de la Provence (avec des petites différences dans les recettes) il peut alors s’agir de cachat, toupina, rhubarbe, broussin, coussignous, brous, gaspo ou de couient (qui pique..).
Si vous désirez plus de renseignements sur ces divers fromages fermentés vous pouvez aller consulter le site suivant
www.brebislait.com/produits/cachat.html
Recettes : (il s’agit bien sûr d’exemples car chacun -ou presque- a sa recette qu’il tient de sa mémé ou de son papa, de son oncle ou de sa tata..).
Prendre un fromage de chèvre sec le râper puis ajouter 2 ou 3 petits suisses à fort pourcentage (40%) de matieres grasses (ou bien un petit fromage frais).
Bien mélanger le tout, il faut compter 3 semaines pour qu’il soit fait.
Penser à le remuer de temps en temps (2 mn par jour c’est suffisant) quand il est fait, râper un morceau de roquefort dur et sec, patienter quelque jours pour goûter . Il peut arriver que le broussin rende de l’eau il faut la jeter car elle donnerait une saveur trop amère.
Ne pas oublier que dans toutes les recettes de broussins (ou d’autres fromages fermentés), on peut assister à "l’éclosion" de petits vers blancs (on dit les quiquets ou les gàri) mais les vrais amateurs ne s’en émeuvent guère et affirment que ces petrites bestioles donnent un bon petit goût et que de toutes façons elles ne résistent pas à la chaleur de la cheminée, donc on peut les manger (et les toubibs de la télévision disent que les vers sont de très bonnes protéines animales..).
Une autre recette provençale :
Ingrédients :
- Tous les morceaux de fromages qui commencent à "s’écrouler" sur un plateau entamé
- 2 verres de bon marc (un petit Garlaban c’est le sommet...).
- éventuellement, des herbes de Provence (ne pas exagérer)
- du poivre du moulin (au goût).
Préparation :
Les vieux fromages de chèvre ou de brebis, on les met à mariner dans un alcool (s’ils sont durs, on les râpe préalablement). Puis, quand ils se sont bien imbibés, on les écrase à la fourchette. Certains ajoutent un peu de thym et du poivre (d’autres herbes sont possibles, il ne faut pas en abuser...).
On met la pâte de fromages dans un bocal (pot en verre, par exemple ou une petite jarre) et on laisse "faisander" au frigo (autrefois, on ne faisait le broussin qu’en période hivernale et on mettait le pot au frais, souvent à la cave) .
Pour la consomation, ça dépend des goûts.
Deux semaines de frigo, c’est, largement suffisant. Mais il y a malgré tout des palais qui apprécient jusqu’à 2 ou 3 mois d’affinage ! et dans ces cas-là, on entretient le broussin en lui ajoutant (selon les jours) un morceau de roquefort, une part de camembert, une cuillerée de gorgonzola, une petite poignée de gruyère râpé ou d’autres restes de fromages divers qu’il faut prendre soin de bien mélanger au broussin d’origine . Et chaque fois que la terrine diminue trop vite, il faut rapidement refaire l’approvisionnement et rectifier l’assaisonnement : en règle générale, une bonne jarre (celle de cuisine, environ 2 l.) dure une bonne moitié d’année...Le broussin réclame une attention particulière ! On ne mange pas du broussin en se disant qu’on déguste un bon fromage frais...sinon on achète un yaourt nature ... Le broussin, ça se mérite !!
Variante : Certains amateurs de la Croix-Rousse (le quartier lyonnais créé par les gaulois et lieu du tissage de la soie ) font un fromage qui ressemble beaucoup à notre broussin mais ils rajoutent un peu de bouillon de légumes pour aider la fermentation et cette spécialité est encore en vente sur les marchés : à table, il est dégusté avec de la ciboulette, comme son camarade "le cervelle de canut"
Vous avez donc plusieurs possibilités de choisir votre broussin : il est même envisageable de combiner une ou deux recettes pour les mettre "à votre sauce".
En provençal on dit " Puei Dido, amavo lou latage, la brousso autant que lou froumage "…
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