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| jeudi 1er septembre 2011Mr Brun dans le village brun ....
Chez Pagnol, Monsieur Brun , c’est le lyonnais qui participe à la partie de cartes avec Panisse, César et Escartefigue... A Tourtour, le lyonnais , c’est moi , donc Mr Brun c’est moi aussi !...
Et le patronyme Brun c’est aussi un adjectif qualificatif ... Et si l’on écrit " Matin brun ", c’est un livre , un pur bijou, un livre militant à un euro, un ouvrage qui restera gravé dans l’histoire des luttes sociales et politiques .
Ce n’est pas mon habitude de trop insister sur la question politique ( le site est surtout consacré à la gestion de la cité - c’est l’éthymologie du mot ) mais pour une fois, je me permets de mettre mon grain de sel en jouant avec le mot " BRUN " ...
Dans les émissions de Thierry Ardisson, on ne fait pas un résumé, on fait le "pitch " du livre (ou du film ) : voilà donc le pitch de Matin brun ...
Charlie et son copain vivent une époque trouble, celle de la montée d’un régime politique extrême : l’Etat Brun. Dans la vie, ils vont d’une façon bien ordinaire : entre bière et belote. Ni des héros, ni de purs salauds. Simplement, pour éviter les ennuis, ils détournent les yeux. Sait-on assez où risquent de nous mener collectivement les petites lâchetés de chacun d’entre nous ?
Vous pouvez accéder directement à deux sites intéressants :
archive.wikiwix.com/cache/ ( le texte joué sur scène , vidéo ) .
www.cheyne-editeur.com/pdf/matin_brun.pdf ( une étude du phénomène de l’édition du texte "matin brun " ).
l’auteur Franck Pavloff .
Avec cette nouvelle, Pavloff dépeint d’une manière exemplaire l’aube d’un nouveau totalitarisme visant à instituer le règne du brun. Exemplaire est le mot, car le but de cet ouvrage est sans conteste de nous faire prendre conscience que l’inaction peut nous être fatale.
Le roman est à la première personne. Le héros a un ami, Charlie. Tous deux mènent une existence tranquille, sans problème. Ils ne veulent à tout prix aucun problème, et c’est ce qui va leur attirer des problèmes. Le héros possédait un chat blanc et noir, mais duquel il dut mettre fin à ses jours, suite à un décision des scientifiques de l’Etat national qui jugeaient que pour contrer à la surpopulation féline, il ne faudrait maintenant plus que garder les chats bruns, étant prouvé que ceux-ci possèdent des qualités leur permettant de moins se reproduire et donc de moins pulluler.
Puis vient le jour où Charlie, qui lui ne possède pas un chien brun, dut le faire piquer à son tour, simplement parce qu’il n’était pas brun. Ces décrets étonnent quelque peu les deux amis, mais ceux-ci s’y plient, pour être tranquilles.
Ce n’est pas le cas du journal de la ville, le Quotidien, qui n’avait de cesse dans ses colonnes de dénoncer l’absurdité de ces décrets. Jusqu’au jour où vint une décision étatique de fermer le journal. Et avec lui, tous les livres ayant été édités par des maisons d’éditions appartenant au même groupe que lui furent retirés des bibliothèques. Ces livres évoquaient souvent des chiens ou des chats, mais qui n’étaient pas bruns.
Puis, Charlie et son ami adoptèrent respectivement un chien brun et un chat brun, très satisfaits de leurs acquisitions. « Comme si de faire tout simplement ce qui allait dans le bon sens dans la cité nous rassurait et nous simplifiait la vie. ».
Mais un jour, la définition du délit changea. Partant pour aller jouer à la belote avec Charlie, le héros a la stupeur de voir que ce dernier n’est plus là. D’après la rumeur, ce serait parce que celui-ci a possédé par le passé un chien qui n’était pas brun, « non conforme ». Sont susceptibles d’être arrêtées toutes les personnes dont la famille a déjà eu affaire à un chien non conforme.
Effrayé, Charlie rentre chez lui, l’air de rien. La nuit qu’il passa fut difficile pour son sommeil. Son réveil ne fut pas sans surprise, puisqu’il fut réveillé de très bonne heure par des personnes frappant à sa porte. Qui était-ce ? Le héros a peur. C’est la milice qui frappe à la porte ... Fin de l’histoire.
Le message que veut sûrement faire passer Pavloff dans sa nouvelle est que nous sommes tous concernés, tous responsables. Le silence face à l’inacceptable est inacceptable. Se taire, ne rien dire lorsque les droits les plus fondamentaux de l’homme sont menacés est irrecevable. L’avenir dépend de notre action présente. Cela signifie aussi que le présent est le résultat du passé. Le totalitarisme présent à la fin du récit s’en prenant maintenant aux hommes après les bêtes est le résultat des concessions accordées par le passé. « Résister (…) dès qu’il nous ont imposé leur première loi sur les animaux ». Encore une fois, le terme de « résister » n’est pas gratuit, et fait sans nul doute possible référence à la résistance de la Deuxième Guerre Mondiale, ou même aux dissidents de tous les totalitarismes possibles. Pavloff veut-il entendre par là que ces résistants étaient jadis semblables aux 3 singes souvent représentés où l’un se cache le regard, l’autre se bouche les oreilles, et l’autre se ferme la bouche ? Que finalement, la résistance ne serait qu’une résultante de la culpabilité qu’a eu l’homme sur son inaction passée ? On peut le penser.
Avec l’épaisseur de ses douze pages et ses allures de formulaire de maths, Matin Brun n’est pas le genre de bouquin qui se remarque immédiatement chez les libraires. D’autant moins, si le vôtre,(comme la majorité des boutiques !), a cru bon de le relèguer loin de ses frères, en le plaçant sur ces tourniquets généralement réservés à des publications pleines de riens et vides de tout, sous le bête et mercantile prétexte qu’il partage avec ces dernières, une seule caractéristique commune, une très faible marge bénéficiaire. Le livre ne coûte, en effet, qu’un tout petit euro.
Malgré ce faible prix, la qualité de Matin Brun n’en souffre pas. Rien ne fait dans la frime dans ce livre, ni sa couverture de carton brun marquée d’une large croix noire, suffisamment rigide pour tenir en poche, ni ses pages, aussi plaisantes au toucher par leur belle epaisseur, qu’à l’oeil par leur très grande blancheur. Quant à la typographie, très aérée, elle est parfaite et rend la lecture facile, très agréable.On appelle cela le plaisir de lire, le goût de lire...
Historique.
Matin Brun a été écrit par Franck Pavloff, auteur de romans noirs et aussi psychologue pour enfants, dans le but de dénoncer le danger que pouvait présenter certaines alliances entre élus de droite et leaders du front national, lors des élections régionales de 1998.(évidemment, le thème du livre est facilement adaptable ensuite à d’autres époques et à d’autres échéances électorales, par exemple celles de 2012 ...(et aussi dans des scrutins locaux, comme en 2014 !!).
Diffusé à très peu d’exemplaires au moment de sa sortie, Matin Brun va retomber rapidement dans l’anonymat. Il faudra attendre quatre ans et l’intervention du boss des éditions Cheyne, farouche militant anti-FN, pour qu’il ressorte de nouvelles éditions . Prenant le parti du bouquin pas cher afin d’en augmenter la diffusion, le message de Matin Brun lui tient particulièrement à coeur, il engage sa toute petite société dans la réédition du livre. L’accueil que lui réservera le grand public va dépasser ses espérances, les premiers exemplaires se vendront en quelques jours.
Le succès va se confirmer au fil des mois et incitera l’éditeur à remettra l’ouvrage sous presse à plusieurs reprises. Bénéficiant d’un formidable bouche-à-oreille, puis enfin relayé par les médias, Matin Brun, avec ses 250 000 exemplaires vendus, atteindra, fin 2002, le statut de best-seller. De nos jours, en 2011, le tirage a dépassé les 700 000 ...
Résumé. (un deuxième pitch ne fera sûrement pas de mal ...) :
Charlie et son pote sont des types sans histoire. Ils mènent tous deux une vie tranquille, entre boulot et dodo, tout juste agrémentée de plaisirs simples. L’arrivée au pouvoir d’un régime totalitaire, l’Etat Brun, va cependant troubler leur existence paisible.
Sur les toutes premières lois que met en place ce nouveau gouvernement, même si elles les concernent personnellement (les chats, les chiens, les journaux, les livres...), ils fermeront les yeux. Des suivantes, ils s’en accommoderont et feront de même pour toutes celles à venir.
Un jour pourtant, leur attitude du " soyons lâches afin de survivre " ne suffira plus...Et c’est la milice qui viendra taper à leur porte ...
Messages.
A travers l’histoire de ses deux personnages, Matin Brun tente de nous mettre en garde sur notre non-capacité à réagir face à un régime, ou un parti politique pas forcément extrême d’ailleurs, qui pourrait mettre à mal nos privilèges d’aujourd’hui et nos libertés de demain.
Il dénonce également cette facilité que nous avons à peu près tous à accepter tout et n’importe quoi, tant que nous sommes pas directement concernés.
Enfin, Matin Brun est aussi un formidable aperçu du fonctionnement d’une dictature. Le parallèle avec le régime national-socialiste allemand de l’époque 1935-1944 est facile à faire. Des premières mesures discriminatoires, avec lesquelles les populations concernées arriveront à composer, jusqu’aux camps de la mort "industrielle", résignation des uns et indifférence des autres les ont permis, on y retrouve la même montée dans l’horreur.
Conclusion.
Avec ses 10 centimètres sur 20, Matin Brun est la plus petite banderolle anti-faciste qui soit.
Douze pages à lire absolument avant d’aller voter ...(avant d’aller voter aux présidentielles, aux législatives et aux municipales : les enjeux ne sont pas les mêmes mais les valeurs à défendre sont identiques ..
[à noter ] : Texte intégral sur ce lien (AcrobatReader)
homepage.mac.com/mazzaroth/iblog/MatinBrun.pdf
Euh ... les éditions Cheyne sont au courant ? Bien sûr ! On appelle cela des "maisons militantes" : elles vendront peut-être moins de livres parce que certains liront le livre sur internet mais elles seront très contentes que le livre qui plaisait à l’éditeur ait pu vous séduire aussi . Et il est toujours possible d’acheter le livre ensuite ...
Et Monsieur Brun, dans tout ça, il fait quoi ? Il est dans un charmant petit village qui a tout pour s’estimer heureux mais qui semble perdre, petit à petit, son âme : pas celle des années 30 ou cinquante, pas celle des années 90 ou 2000, !... Non, son âme de toujours, pas celle de parade et de devanture, celle qui est profondément ancrée dans les pierres
de la Tour de Grimaud ou de l’église Saint-Denis ...Nous en arrivons depuis des années à une inflation de ce qui fera mal un jour, le tourtourisme outrancier qui nous place dans une situation qui devient intenable au fil des années : bien sûr, comme toujours, ceux qui se remplissent les poches durant trois ou quatre mois et qui mettent les voiles ensuite ne seront évidemment pas d’accord avec cette analyse puisque leur seule motivation est simplement mercantile et leurs seules préoccupations philosophiques ou sociologiques ne dépassent pas la porte de leur banque...
Il apparaît plus que jamais urgent qu’une réflexion globale soit engagée dans le village : le PLU sera le moyen d’aborder certaines questions ( urbanisme, logement, terrains, patrimoine, culture, éducation, développement durable ...) qui sont légalement au programme ... En plus, le tourisme devra faire l’objet de plusieurs débats : que veut-on (tous ensemble) pour notre Tourtour, dans l’avenir ? Pas dans deux ans, non ! avec une échéance d’au moins vingt ans !! Mais oui, nous devons réfléchir à ce que sera notre beau village pour les gamins qui rentrent ces jours-ci en maternelle ( et pour les autres bien sûr, jeunes ou vieux, - que les anti G Giraud se rassurent, peu de chances que j’en profite !!...) .
Le Mr Brun, peuchère !, il essaie de mettre sa petite pincée de cumin, son petit grain de genièvre, sa cuillerée de poivre et son brin de serpolet : il espère seulement que les tourtourains ne fassent pas trop longtemps comme les deux héros du livre qui ont laissé faire, qui n’ont rien dit, qui ont tout accepté ...jusqu’ à ce que l’Etat brun les engloutisse à jamais !... Et Mr Brun, à Tourtour, ,il espère toujours qu’il sera le seul à être Brun (avec une majuscule !) . Parce que " brun " avec un "b" minuscule, ça devient vraiment dangereux ...
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