Aller au contenu Aller au menu Aller à la recherche

Logo du site

Accueil > L’Union > Le billet de bonne ou mauvaise humeur. > Ouvrir une épicerie....

Ouvrir une épicerie....

Ouvrir une épicerie...  

 Les circonstances de la vie nous conduisent parfois à rencontrer des personnes dans des conditions tellement curieuses que l’on se dit qu’effectivement "le monde est petit".
Rendez-vous compte ! Ma douce et tendre épouse, Monique, prend des cours de dessin à Lyon, dans le VIème arrondissement, et au fil des discussions avec les autres stagiaires, elle a lié connaissance avec Suzanne qui a une petite maison de vacances à Ampus depuis une trentaine d’années. Nous avons beau vivre à Lyon , nous avons quelques gènes méridionaux qui nous ont donné un certain sens de l’hospitalité : ce faisant, nous avons invité le couple Suzanne et Jean-Paul afin de faire plus ample connaissance (avant de nous rencontrer un peu plus cet été dans notre belle région varoise). 

Il n’est peut-être pas fondamental que je vous décrive le menu du repas mais arrivons-en vite au titre de l’article : "ouvrir une épicerie". Dans la discussion sur les deux villages limitrophes, nous avons parlé des ruelles, du patrimoine, des traditions, des maires, des fêtes et bien d’autres sujets de la vie de nos deux communes. 
Jean-Paul qui doit prendre sa retraite en février 2010 a le projet d’ouvrir une épicerie mais il en est encore à l’état des lieux (à l’étude de marché comme on dit) : il a déjà tous les renseignements et les formalités à remplir auprès de la Préfecture, l’Ursaf, la Chambre de Commerce. Il connaît à peu près ce qu’il faut savoir sur la gestion des stocks, les fournisseurs, les promotions, les rayons, les consoles.... 

Ce qui lui manque comme paramètres, c’est le côté relationnel du magasin, la liaison avec les habitants : Jean-Paul a tout pour réussir dans le commerce mais il essaie (avant de s’aventurer) de savoir comment s’intégrer dans un village avec le plus de chances de ne pas faire d’impair difficile à rattraper ensuite. Il m’a donc demandé ce que j’en pensais et ce que je pouvais délimiter comme pistes possibles et comme chemins périlleux....

En résumé, quelques remarques que je lui ai faites :

Dans un petit village varois, l’épicerie est un rouage essentiel de la commune, une courroie de transmission de l’information, un relais du centre médical, une annexe du bureau des pleurs, un confessionnal, une béquille, une cure de jouvence.... et il faut donc jouer tous les rôles avec foi, vérité, sincérité et affection. C’est un bureau privé d’action sociale où les patrons sont dans la ligne de l’aide humanitaire directe. Et ce n’est pas facile....

Dans le village, il faut choisir un bon local et un bon emplacement : on sait très bien que le meilleur endroit est à l’entrée du village et il faut tenter, par tous les moyens, de s’y trouver. Si vraiment c’est impossible, il est alors logique de choisir ensuite l’autre endroit idéal, c’est à dire la sortie....

L’arrivée sur un village réclame une grande vigilence dans le choix de ses amis car les réputations se font encore plus rapidement qu’arrivent les orages du mois d’août. On s’aperçoit par exemple que le métier d’épicier est difficilement compatible avec des relations amicales dont le nom de famille se termine par les lettres "tzger", comme dans Breintzger ou Spitzger. On ne sait pas exactement ce qui se cache derrière cette réticence mais il est sociologiquement prouvé que cette quasi névrose collective touche en priorité les villages provençaux .

Tenir une épicerie durant une campagne électorale est également une épreuve qu’il faut parvenir à surmonter . Les différentes listes qui se présentent aux municipales viennent faire leur marché aux voix à l’épicerie et elles s’adressent même souvent aux commerçants pour les intégrer dans les candidats possibles : à ce moment-là, il faut bien réfléchir aux conséquences sur la tenue du magasin et la gestion du commerce. Une solution intermédiaire consiste à accepter le poste d’élu pour Madame l’épicière.

Alors là peut se poser la question de la tenue du magasin à certains moments de la journée où les deux propriétaires sont pris par leurs activités respectives : il faut trouver quelqu’un de sérieux, de ponctuel, de convivial et surtout de confiance. Le mieux est évidemment de trouver quelqu’un du village : si en plus elle est d’une famille nombreuse qui a toujours montré du courage dans le travail, c’est encore mieux. Et si par exemple, elle s’appelle Anne-Marie, ça sera l’idéal.

Autre chose, le logement . Il vaut mieux avoir déjà ta petite maison mais il faut se méfier malgré tout : si jamais elle prend feu ou elle est inondée, tu vas avoir des soucis d’assurance et ça va faire jaser dans les ruelles. Tu risques d’être traité d’escroc et de magouilleur et la rumeur va enfler aussi vite que le ventre de Michel quand il en est au cinquième demi. (bien sûr, j’ai expliqué à Jean-Paul qui était Michel). N’imaginons pas non plus que tu sois obligé d’aller t’installer dans une roulotte ou une caravane, en dessous du village : te cacher à l’écart serait mal interprété et tu serais peut-être accusé de faire du trafic de meubles anciens.

Ce qu’il faut aussi c’est venir souvent boire un petit coup sur la terrasse historique de Tourtour : mais attention de ne pas trop se montrer aux côtés de personnages trop voyants ou déjà trop contreversés car cela rajouterait aux ragots de la bande à Josette (bien sûr, j’ai expliqué qui était Josette).

Il faut également se méfier des nouvelles technologies et en particulier le web : avant d’ouvrir l’épicerie, il faut se renseigner si un lyonnais n’a pas ouvert un site internet sur le village et s’il ne décapite pas trop en disant du mal d’une première adjointe qui hésite entre ado et sénior ou d’un lobbyiste en perte de vitesse et d’inspiration. Si c’est le cas, ne pas lui écrire de message dans le forum, ça peut, encore une fois, prêter à confusion pour les langues de tarentes.

EPICERIE FINE SUCREE

Jean-Paul a eu l’air de ne pas être affolé devant ces légères recommandations ou mises en garde. Il a bien raison : heureusement que certains couples passent au-dessus de toutes ces couillonnades et qu’ils permettent à des petites communes de conserver ces magnifiques magasins traditionnels que sont les épiceries de village .

 

 

 

 

 

 

 

 

Répondre à cet article

Mis à jour le jeudi 31 août 2023