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Sergent à 7 ans !

 Sergent à 7 ans ! 

 
Gilbert Auguste Gibellin est né à Grasse en 1938, le 21 janvier : sa mère, Charlotte, vivant à Saint-Etienne de Tinée, travaillait dans la maternité où elle a accouché. En 1941, elle revient dans son village natal et elle occupe plusieurs emplois, elle fait des ménages ou des petits boulots saisonniers. En octobre 1944, Gilbert rentre au cours préparatoire et il s’aperçoit vite que les meilleurs moments de l’école sont ceux des récréations avec les camarades : il n’est guère attentif mais la maîtresse comprend qu’il a des possibilités et elle le pousse dans son travail. Elle n’y parvient que durant les leçons d’histoire, de géographie et de sciences naturelles. Gilbert apprend à lire mais il reste malgré tout un élève distrait et légèrement dissipé. 

Il n’a pas de père à la maison et sa maman ne lui dira jamais un seul mot sur son géniteur ce qui plaça Gilbert dans une certaine fragilité émotionnelle dès les premières années. La deuxième guerre mondiale touche aussi les villages et la population est soumise aux privations : Mme Charlotte Gibellin a l’avantage de travailler chez de nombreux partons et elle se débrouille de récupérer le nécessaire pour la survie de son enfant. Gilbert ne manquera pas de légumes et de fruits et il mangeait de la viande environ deux fois par semaine. Il était gaillard pour son âge et rarement malade.

 

En 1945, c’est la libération du village . Les FFi  (Forces Françaises de l’Intérieur) étaient en garnison à l’Hotel Beau-Séjour : ce regroupement des forces militaires de la Résistance Française est sur le point de partir de Saint-Etienne de Tinée à la fin de la guerre. Comme dans la grande majorité des communes, un défilé est organisé dans le village Les forces FFi sont acclamées par la population comme les sauveurs du village : tout le monde est heureux de la fin du conflit mondial et c’est l’allégresse générale. Pendant ce temps, Gilbert est parti tranquillement à la découverte de l’imposant convoi :  Il est fasciné par les gros camions de ces soldats qui sont les héros de la journée et il s’aventure à grimper sous la bâche verte : des matelas sont amoncelés, ils ne sont guère propres mais rien n’arrête Gilbert. Il se cache bien au fond vers la cabine, il se couvre bien et il attend : il n’a pas réfléchi à ce qui va arriver et il ne se doute pas de la suite de sa petite fugue de l’après-midi. Les soldats-résistants reviennent du défilé et ils prennent place dans les camions, les voitures Traction-avant et les jeeps. Gilbert ne bronche pas d’un pouce et le convoi démarre en emportant le garçonnet intrépide. Le groupe doit aller au fort de Remplas vers le village de la Colmiane qui n’était pas encore une station de ski . A l’arrivée, après 4h de routes tortueuses, les camions sont déchargés pour le rangement dans le fort : Les baluchons, les vivres, les armes et les munitions sont transportées dans les tunnels. Gilbert se terre au fond du camion et il commence à trembler car il s’aperçoit que la situation est peu confortable : les matelas sont emportés dans le cantonnement et deux soldats découvrent le garçon apeuré . Ce sont deux cuistos et ils se penchent pour demander ce que ce gamin fait dans le camion : Gilbert ne répond rien, il ne dit pas son prénom et ne parle pas de son village . Les deux FFi sont dans l’embarras et ne savent guère que faire de ce gosse de 7 ans : ils décident de le conduire vers les cuisines du fort et ils le cachent dans la réserve. Ils repartent ranger toutes les fournitures et les vivres : à leur retour, Gilbert semble un peu plus rassuré mais il ne dit toujours presque rien sauf réclamer à manger car la route a été bien longue. Les cuistos lui préparent un petit en-cas et lui donnent à boire. Manifestement, ils se prennent d’affection pour ce pitchounet et ils lui préparent sa couchette au milieu des grosses boîtes de conserve, des jambons crus et des pains de campagne rassis.

Les jours passent, les autres soldats sont au courant et le gamin est adopté comme une mascotte de l’unité FFi : les supérieurs ne sont pas prévenus, les soldats font tout pour protéger le secret tant qu’ils n’en sauront pas plus sur le gamin. Gilbert est assez heureux de vivre dans cette ambiance chaleureuse d’après-guerre. Les FFi se sont débrouillés pour lui faire un uniforme à sa taille et il le nomment solennellement "Sergent de cuisine" après un cérémonial plein de gaieté et de rires. Six mois se passent et la vie s’écoule dans le fort qui conserve le secret du mioche, gradé de surcroît et chouchouté par tous .

Un des soldats a connu une jeune fille à Saint-Etienne de Tinée et il part la retrouver lors d’une permission. La fiancée lui raconte que le village est encore sous le choc de la disparition soudaine et inexpliquée d’un garçon de sept ans. Le FFi comprend évidemment qu’il s’agit sans doute du petit sergent de cuisine . Ils partent rencontrer la mère pour en savoir plus : la description que fait le soldat à la maman ne laisse guère de doute. Le petit Gilbert est au fort de Rimplas ! Charlotte prépare un bon colis avec des friandises et des biscuits que le soldat ramène au casernement : Gilbert avoue enfin qu’il est bien du village de la vallée de Tinée. Un autre permissionnaire se charge de le reconduire vers sa maman qui n’osait plus espérer dans les retrouvailles possibles avec son enfant.

On imagine sans peine la joie de tout le village et en particulier celle des enfants de l’école. Gilbert, malgré sa hardiesse et son silence, devenait lui aussi un héros du village. Aujourd’hui, à Saint-Etienne de Tinée, on raconte encore l’aventure du petit Gibellin....

A notre époque, les moyens de communication et d’information auraient rapidement retrouvé le gosse mais la période d’après-guerre a été le théâtre de moments difficiles et douloureux.

Mais les frasques de Gilbert ne se sont pas arrêtées après cet épisode ... Il en a fait bien d’autres, des vertes et des pas mûres et on les racontera aussi... (peut-être pas toutes).

 

 

 

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Mis à jour le jeudi 31 août 2023