Accueil > L’Union > Le billet de bonne ou mauvaise humeur. > Le parasol noctambule....
Publié par
| lundi 28 septembre 2009 | Mis à jour le mercredi 30 septembre 2009Le parasol noctambule...
" Objets inanimés, avez-vous donc une âme ?" disait le poète....
On raconte qu’Alphonse de Lamartine aurait eu cette révélation en promenant dans un joli petit village provençal durant l’été 1852 ....
En septembre 2009, en remontant la Rue Grande de Tourtour en compagnie de son égérie Monica, au débouché de la Place des Ormeaux, un autre romantique entendit une plainte gémissante ...
_ " Venez à mon secours ! je souffre le martyre ! "
Les deux promeneurs du soir revenaient d’un repas bien arrosé (l’aïoli de la cousine) et les brumes du célèbre cru Château Camp-Fournier commençaient à altérer leurs capacités sensorielles ... Tellement qu’ils cherchaient d’où pouvaient venir les gloussements douloureux !
La toile blanche se tendit légèrement et la voix légèrement rocailleuse reprit :
_ " Aidez-moi ! de grâce ! "
Le doute n’était plus possible, le parasol leur parlait et dans leur nuit trouble les deux tourtereaux lui répondirent :
_ " Que se passe-t-il ? Quel est l’objet de votre courroux ? Qui vous soumet à une telle épreuve ?".
_ " Ma vie est devenue un enfer ... Je suis là depuis des mois, je ne bouge plus, je suis paralysé involontaire et mon existence est une vraie tragédie..."
_ " Cher parasol, vous protégez pourtant les clients de la taverne des rayons du soleil, vous êtes un bienfaiteur de la terrasse ! ".
_ " Oui, mais je ne fais pas le bonheur de tous. Vous voyez bien que je gêne ma voisine du dessus : elle ne voit plus rien sur la place et parfois elle ne peut même pas fermer sa fenêtre... Elle râle souvent mais je la comprends : pourtant on me laisse là, sans jamais bouger... L’après-midi, il n’y a jamais de soleil à cet endroit, on pourrait parfois me replier, ça me dégourdirait les jambes ! Mais non, mes patrons sont têtus et ils ne m’écoutent pas plus que la dame du dessus... Ayez pitié de moi !"
_ " Nous pouvons vous aider, mais que voulez-vous ?"
_ " Bougez-moi, renversez-moi gentilment mais n’abimez pas mes copines les plantes ... Juste un peu, une fois : demain matin, la dame verra au moins la place en se levant... ".
Attendris par le parasol traumatisé et neurasthénique, solidaires de la voisine des taverniers, les deux amis se regardèrent juste deux secondes et comprirent que leur devoir devait être exécuté ...
_ " allez, viens un peu par là ! ".
Mr Brun, le sexagénaire lyonnais très peu protégé contre les attrapa le bout d’une baleine et pencha le parasol en évitant de casser les lauriers :
_ " Etes-vous bien comme ceci ?"
_ " Je suis aux anges ! Et la dame sera ravie, au moins pour quelques heures ... Je vous dois un grand merci ! "
Le couple se sépara avec l’intime conviction d’avoir accédé à la requête plaintive du parasol et sans aucun regret pour ce geste généreux et bien inoffensif.
Avant la rue du Lavoir, Gilbert se fit apostropher durement par un villageois qui n’avait pas tout entendu du dialogue et ne voyait donc que l’ acte malveillant d’un vandale aviné et jouant le rôle d’un vengeur sans masque et sans vergogne...
Le lendemain, le geste de compassion se transforma subitement en un outrage aux bonnes moeurs, une attaque familiale, un attentat, une sale rumeur, un délit de droit commun, une violence grave à l’outil de travail, un viol de l’intimité de la terrasse, une dégradation de l’espace privé, une atteinte à l’image d’un établissement réputé pour son exemplarité en matière d’honnèteté et de respect de toutes les valeurs civiques et morales....
Des fautes gravissimes qui méritent des sanctions exemplaires afin de perpétuer l’honneur des offensés : une plainte sera donc déposée mais cela réclame un délai d’attente car les tribunaux pénaux varois sont actuellement saturés par des affaires de chèques contrefaits et d’autres cas liés à des arrangements avec les textes en vigueur sur l’emploi de personnes handicapées et aussi l’emploi de salariés sur des contrats bâtards pour la période estivale...
Voilà, chère MissMiss, la version du salopard, du voyou responsable de ce fait divers : vous pouvez évidemment en douter, mais ne doutez surtout pas d’une chose, je m’en tape le coquillard (et je reste dans un registre littéraire sobre qui ne reflète guère l’image la mieux adaptée).
Une précision : le brigand est allé directement donner sa version à Mme Giraud et à son neveu Thierry, en expliquant bien que cet épisode n’était pas à inscrire dans la liste des oeuvres d’anthologie mais que l’acte lui-même ne représentait guère plus qu’un égarement juvénile... S’il vient à certains (Mme Mérola - elle racontait qu’à cause de ce parasol j’avais pris la fuite...- et autres sages copines) de vouloir en faire un pataquès diabolique fomenté par des forces obscures, qu’elles se régalent....
Et s’il vous vient MissMiss encore une autre idée d’article, ne vous en privez pas : vos messages anonymes sont les bienvenus, mais ne croyez pas qu’il sera toujours possible de ne jamais être découvert (l’histoire d’un parasol devrait vous aider à y méditer)...
Un détail :
Ceux qui seraient intéressés par un parasol qui possède une âme et un langage (pour des gens qui n’ont pas honte de tendre l’oreille), peuvent trouver ci-dessous les références de ce meuble si vivant ....
10 Messages
Répondre à ce message