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| samedi 18 octobre 2008 | Mis à jour le jeudi 8 novembre 2012Les grives et les truffes
de chez Tholozan .
A Tourtour, on connaît une fracture sociale et culturelle qui ne pourra jamais s’effacer : il y a ceux qui ont mangé au Restaurant de Mr et Mme Tholozan (l’Auberge) et les autres qui n’auront pas eu le plaisir immense de se trouver à table dans cette petite salle ô combien typique et pittoresque.
Tous ceux qui, à jamais, feront partie des privilégiés du village se souviennent de cette ambiance campagnarde, de ce décor rustiquement humble, de cet accueil simplement sincère et du service convivialement partagé. Il fallait réserver mais ce n’était pas par souci de planning prévisionnel, de gestion du stock et des commandes mais simplement parce que la salle n’avait qu’une vingtaine de places toujours occupées.
Avec mes parents et certains de leurs amis ou cousins, nous allions trois ou quatre fois par an chez Angèle et Marius. Quand on savait que le repas du dimanche était prévu chez Tholozan, on languissait encore plus...
Le menu était simple, quasiment toujours le même car il obtenait tous les suffrages : assiette de charcuterie, brouillade truffes, grives sur canapé, fromage et dessert.
La caillette avec sa mosaïque de foie et de lard, le jambon cru à point, le cervelas bien rose, le fromage de tête et la terrine de sanglier . Déguster ces cochonnailles avec le pain de campagne de la Maison Bernard, c’était la mise en bouche préliminaire à l’enivrement des sens .
Quand Marius arrivait dans la salle avec le joli plat de Moustiers et la brouillade de truffes, il produisait un effet sur chacun de tous les clients de l’auberge. Et si le patron s’arrêtait alors à votre table, c’était l’apothéose, le plaisir suprème, le jouet au pied du sapin. Onctueuse, parfumée, délicatement épicée, discrètement poivrée, la brouillade nous comblait à chaque fois. Angèle devait avoir un secret mais les cuisinières tourtouraines ne l’ont jamais percé : elles réussissaient de bonnes brouillades mais elles ne parvenaient jamais à découvrir le petit on-ne-sait-quoi qui faisait basculer l’agréable vers le sublime et le correct vers l’inoubliable. Les truffes étaient du coin car à Tourtour on n’est pas à Lorgues où certains ont parfois tendance à croire que les vraies truffes viennent de la Route de la Soie ou des plateaux pékinois.
Et puis les grives cuites au poêlon, la petite ficelle de coton maintenant les belles bardes de lard gras. La moitié d’un morceau de pain pour "faire la tranche" : on ouvre la grive, on vide les viscères qui ont faisandé plusieurs jours et l’on frotte sur le pain juste grillé d’un côté. Le lard est lui aussi gratté sur la tranche et pour finir on ajoute une cuillerée de jus du poêlon qui repose dans une saucière verte de Sarreguemines. Et à ce moment là, on remercie ses parents et la sage-femme qui nous ont permis de connaître de telles émotions et l’on se met à croire qu’il existe quelques preuves de l’existence de Dieu.
Le fromage est bon mais les ancêtres de la Cabrette ne sont là que pour fournir une dose minimale de calcium dans le menu. Et le dessert à la crème de marrons, crème patissière bien jaune et abricot pour garnir la coupe, on a tort mais on l’oublie un peu.
Grâce à vous Angèle et Marius, certains Tourtourains passent sous le porche de la Chapelle de la Trinité, arrivent à la fontaine et regardent toujours les deux fenêtres à droite : à travers les rideaux cousus au crochet, ils voient encore les tables, les truffes et les grives et ils sont fiers d’avoir un gros avantage sur ceux qui ne voient que deux carreaux vitrés...
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